L'innovation monétaire de Napoléon Bonaparte

Un pays en pleine dépression
Sous Louis XVI, la valeur de l'argent avait dégringolé. Le peuple devait payer son pain avec des charrettes remplies de francs (la situation était similaire à celle de l'Allemagne juste avant la Deuxième Guerre mondiale). Ensuite, la révolution française ne fit qu'aggraver davantage la situation générale. Le franc fut remplacé par une nouvelle sorte d'argent en papier, appelé « assignat ». Mais l'inflation ne cessa de grimper en flèche, et l'État français continua de s'enfoncer dans les dettes. Les fonctionnaires et les soldats ne furent pas payés pendant plusieurs mois. Le peuple était pauvre et affamé. Peu de temps après la révolution, ce dernier était de nouveau prêt à se soulever. Heureusement, Napoléon intervint. Il créa deux nouveaux organismes publics : un ministère des Finances et un Trésor public. Heureusement, l'ancien gouvernement de la France avait déjà commencé à rappeler les assignats et à réintroduire le franc. Ce changement monétaire fut achevé sous Napoléon et permit au peuple de disposer à nouveau d'une monnaie fiable.


La lutte contre la corruption
La monnaie avait été sauvée, mais la situation financière de l'empire était toujours une véritable pagaille. La trésorerie de la France s'élevait lamentablement à 167 000 francs, et sa dette publique atteignait pas moins de 474 millions de francs. Il fallait que de l'argent rentre, et vite ! Napoléon lança alors une loterie nationale (s'élevant à 9 millions de francs), et conclut de nouveaux emprunts auprès de plusieurs banques pour un montant de 3 millions de francs. L'étape suivante fut de s'attaquer au système fiscal mal organisé. Autrefois, les collecteurs d'impôts étaient de simples citoyens qui ne se consacraient à cette activité qu'à titre secondaire. Ces derniers ne perdaient pas leur temps sur de l'administration, et pouvaient ainsi s'en mettre plein les poches. Avant que l'argent des impôts ne parvienne dans les caisses du gouvernement, la majorité était donc déjà partie en fumée.

La solution ? Napoléon imagina un nouveau système pour la collecte des impôts. Une équipe composée de 840 collecteurs d'impôts professionnels eut pour mission de lever les impôts et de les percevoir. Ces derniers reçurent un salaire confortable pour ce travail, et la corruption fut rapidement étouffée dans l'œuf. Napoléon introduisit également une forme d'accises : les prix du vin, des cartes à jouer, des carrosses, du sel et du tabac furent lentement augmentés afin de remplir les caisses de l'État. Ce dernier imagina encore une action très amusante : la plus jolie place de Paris porterait le nom du département qui serait le premier à avoir payé tous ses impôts. Ce projet fut une réussite : ses nouveaux collecteurs d'impôts récoltèrent 660 millions de francs, soit 185 millions de plus que ce qu'avait atteint son prédécesseur plusieurs années auparavant. La place fut donc baptisée la Place des Vosges. Avec ces recettes fiscales, le gouvernement acheta du pain en masse et le distribua aux plus démunis. Ainsi, plus personne n'eut à souffrir de la faim dans la France de Napoléon.


Une banque centrale
Autrefois, la France était un pays caractérisé par une mauvaise gestion décentralisée. Le système financier devait donc être centralisé. À cet effet, la Banque nationale française fut érigée le 13 février 1800 et fut la première de son genre. Cette dernière visait à se débarrasser des taux d'intérêts absurdes, qui pouvaient même parfois atteindre les 30 %. Napoléon était dégoûté par cette cupidité criminelle des banques privées. Il décida de limiter le dividende annuel de sa banque à 6 %, et de réduire la dette de l'État à seulement 8 millions de francs. Le bilan de cette nouvelle banque devait être en règle chaque année, et les dépenses des ministères étaient épluchées jusque dans les moindres détails. Sous le règne de Napoléon, il n'y avait pas de place pour les abus financiers ! Ainsi, son modèle de banque centrale fut également pris pour modèle dans de nombreux autres pays.


La grande diffusion du système décimal
Depuis déjà le 16e siècle, des scientifiques et des chefs d'État eurent l'idée d'établir un système monétaire mondial dans le but d'améliorer les échanges commerciaux et la communication entre les pays. Toutefois, cette idée ne fut mise en œuvre par certains pays qu'à la fin du 18e siècle. Les États-Unis furent les premiers à s'y risquer en 1792, et furent suivis par le gouvernement révolutionnaire français en 1795. 1 franc fut divisé en 100 centimes, tout comme 1 dollar comportait 100 cents. Ce concept ne fut toutefois accepté dans le monde que lorsque Napoléon l'imposa dans l'ensemble de son empire. Aussi, le système métrique fut officiellement employé en France. Aujourd'hui, les États-Unis pourtant si progressistes sont quasiment les seuls à ne l'avoir pas encore adopté.


La pièce « Napoléon » emblématique
En 1803, les premières pièces de 20 francs en or furent lancées. Cette pièce fut appelée « un napoléon » par le public français car elle portait l'effigie de Napoléon. Jusqu'en 1914, toutes les pièces de 20 francs en or furent appelées des « napoléons », un hommage prolongé au génie du premier empereur de la France. Les 20 francs français en or demeurèrent la pièce en or la plus importante sur le continent européen tout au long de l'âge d'or. Par ailleurs, cette pièce servit de modèle pour la création de l'union monétaire la plus notable de son temps, et peut-être même de tous les temps : l'Union monétaire latine de 1865. Tout au long de l'âge d'or, la pièce de 20 francs napoléon figura donc parmi les pièces les plus influentes du monde, aux côtés du souverain britannique et de l'Eagle américain. Aujourd'hui encore, la norme des pièces en or est basée sur cette pièce emblématique de 21 millimètres de diamètre. Cette pièce est très convoitée par les collectionneurs, et à juste titre.

Le résultat des efforts de Napoléon ? Le franc n'avait encore jamais été aussi fort et l'inflation a été interrompue. Le coût de la vie pour la population demeura stable et abordable, et la pauvreté fut réduite au minimum. La dette astronomique de l'État fut remboursée en seulement un an, et le gouvernement put équilibrer son budget pour la première fois depuis 1738. Napoléon créa une France qui exerça une influence dans le monde entier, et cette influence est encore notable à l'heure actuelle. Un homme extraordinaire, qui laissa derrière lui un héritage tout aussi extraordinaire. Comme le professeur de numismatique norvégien S. H. Gullbekk le fait remarquer dans son ouvrage « Money that changed the world » (l'argent qui a changé le monde) : « Aucune famille n'a autant marqué de son empreinte le système monétaire européen que les Bonaparte ».