La Muette de Portici, l’opéra qui amorça la révolution belge ?

Une grande révolution est souvent lancée par un unique événement. « Amour Sacré de la Patrie » fut chanté par le tenor et le baryton lors de l’opéra La Muette de Portici le 25 août 1830 au Th éâtre de la Monnaie de Bruxelles. L’opéra de Daniel François Esprit Auber (1782-1871) décrit une révolte menée à Portici près de Naples au 17e siècle à l’encontre de la domination espagnole. Après avoir chanté son duo, le tenor Jean-François Lafeuillade s’écria « Aux Armes ». La salle réagit avec enthousiasme. De nombreux jeunes étudiants présents dans le public se précipitèrent à l’extérieur, où une foule surexcitée manifestait déjà sur la place devant le théâtre.

Des émeutes et des pillages éclatèrent. Le jour suivant, les mécontentements se propagèrent jusque dans les villes de Louvain, Liège, Namur, Bruges, Gand et Anvers. L’opéra La Muette de Portici est considéré comme le tout premier Grand Opéra. C’est le compositeur français Daniel François Esprit Auber qui écrivit la pièce en 1828. Il s’agit d’un travail d’envergure réparti en 5 actes emplis de spectacles : un grand orchestre, de vigoureuses arias, des ballets, des duos et de grands ensembles de choeurs et de solistes. La protagoniste de la pièce est - une grande nouveauté en 1828 - la Muette ! Cette dernière est éprise d’un prince espagnol. La révolte qui survient dans la ville italienne de Portici en 1647 à l’encontre de la domination espagnole s’entremêle avec l’histoire d’amour entre le prince et cette dame. La Muette sombre dans l’opéra.


Le premier drapeau belge


Le 26 août, Marie Abt-Ermens cousit le premier drapeau belge. Ce dernier n’allait pas tarder à flotter au-dessus de l’hôtel de ville de Bruxelles. L’institution d’une garde civique calma quelque peu les esprits. Mais après quelques jours, la résistance reprit de plus belle. Le 30 août, une délégation de 3 citoyens partit de Liège pour rencontrer le Roi Guillaume Ier à La Haye et tenter de trouver une solution à cette situation. Un jour plus tard, le 31 août, un groupe de 5 personnes fit de même au départ de Bruxelles. Guillaume réunit les État Généraux le 13 septembre 1830.

L’idée de séparer la partie administrative du royaume entre le Nord et le Sud commença à s’implanter. Le prince héritier, qui deviendrait plus tard le Roi Guillaume II des Pays-Bas, pourrait alors régner dans la partie sud comme une sorte de vice-roi. Le 2 septembre, l’avocat liégeois Charles Rogier partit de Liège avec une armée de 300 hommes et se rendit à Bruxelles pour venir en aide aux insurgés. Ces derniers s’étaient procurés des armes dans les nombreuses armureries de la ville. Jean-Joseph Charlier (1794-1886) faisait notamment partie de ce groupe. Ce dernier avait perdu une partie de sa jambe droite en combattant comme soldat pour Napoléon. Il était surnommé « la Jambe-de-Bois » car il portait depuis lors une prothèse en bois. Jean-Joseph Charlier allait encore jouer un rôle extrêmement significatif dans cette rébellion. Le 7 septembre, le groupe envahit Bruxelles. Entretemps, la révolte continua de se propager à travers le Sud.


L’armée en état d’alerte


Le roi rassembla des troupes à Vilvoorde sous le commandement du prince héritier Guillaume et de son frère le prince Frédéric. De nombreux soldats du Sud désertèrent. Le prince Guillaume se rendit personnellement à Bruxelles le 1er septembre 1830 afin de se renseigner sur la situation. Sa visite ne calma pas les esprits. Guillaume promit de plaider pour la séparation administrative des Pays-Bas auprès du roi.

La Brabançonne


L’ironie de l’histoire est que la représentation de La Muette de Portici était destinée à célébrer le 58e anniversaire du roi le 25 août 1830. Après cette représentation qui se termina dans un grand tumulte, le Théâtre de la Monnaie fut fermé. Le 12 septembre, ce dernier réouvrit ses portes pour une nouvelle représentation de La Muette. Cette fois, le ténor Lafeuillade chanta une nouvelle chanson à la fin du premier acte : la Brabançonne.

Cette chanson devint l’hymne national de la Belgique. Le texte avait été écrit par Jenneval (le pseudonyme d’Hippolyte Louis Alexandre Dechet). Ce dernier périt à la guerre le 18 octobre 1830 en combattant les Néerlandais à Lierre. La musique fut compose par un violoniste de l’orchestre du Théâtre de la Monnaie : François Van Campenhout. Le 13 septembre 1830, les États Généraux de l’ensemble du royaume se réunirent à La Haye. Une petite majorité des 100 membres présents estimèrent qu’une séparation administrative entre le Nord et le Sud était souhaitable. Mais cette séparation n’eut pas lieu. Le 22 septembre, la garde civique éclata.


Acte héroïque de la Jambe-de-Bois


Le 23 septembre, l’armée dirigée par le prince Frédéric envahit Bruxelles. La ville se défendit avec frénésie. Une guérilla urbaine éclata. L’armée fut coincée dans le Parc de Bruxelles. La Jambe-de-Bois, lithographie de Jean-Baptiste Madou, 1830. Les insurgés braquèrent 3 canons contre l’armée, et la Jambe-de-Bois commandait l’un d’entre eux. Ses actes de bravoure firent grande impression. Après 4 jours de combat acharné, le prince Frédéric ordonna à son armée de quitter le parc en cachette.

Sous le couvert de la nuit, ce dernier se retira avec ses troupes dans le quartier general de Vilvoorde. Le dernier militaire quitta le parc le 27 septembre 1830 à 3 heures du matin. Le lundi 27 septembre à 5 heures du matin, les insurgés étonnés trouvèrent un parc complètement désert.


Le Gouvernement Provisoire


Au beau milieu de la bataille des insurgés contre l’armée permanente du royaume, un Gouvernement Provisoire vit le jour. Le 24 septembre, un groupe de 10 notables décida de se charger de l’administration de la ville. Ce groupe se nomma le Gouvernement Provisoire. Le 29 septembre, ce dernier déclara qu’il reprenait l’autorité du roi.

Les « provinces de Belgique, déchirées par la violence » étaient indépendantes.